Nicolas Moscovici, rédacteur en chef de La Dépêche du Midi, répond à nos questions sur l’avenir de la presse papier et de son impact sur le métier de journaliste.
D’après des sondages, nous pouvons voir que peu de jeunes lisent le journal sous format papier, pensez-vous qu’il existe une solution pour motiver et relancer cette tendance ?
Non, c’est un combat perdu.
Pensez-vous que vous allez devoir davantage vous développer sur les réseaux sociaux ?
Oui, exactement. Internet d’abord, puis les réseaux sociaux. Ce n’est pas facile car c’est un secteur de presse complexe mais pas perdu puisqu’il se renouvelle tout le temps. Je pense même que vous êtes dans une génération qui aura plus d’opportunités. Pour la mienne, il fallait vraiment se battre pour entrer dans une rédaction. Maintenant, avec la multiplication des expériences journalistiques, vous aurez plus d’opportunités. Mais il y aura moins de voies « royales » comme nous. En entrant dans un journal, on est de suite lancé car tout le monde a à peu près le même model. Aujourd’hui ce modèle est beaucoup plus « éclaté » mais sans doute que vous allez davantage vous amuser au début de votre carrière que ne l’a fait notre génération.
Pensez-vous, à juste titre étant donné le déclin de la lecture de la presse papier, que celle-ci va totalement disparaître d’ici quelques années, au profit de la presse numérique ?
Fatalement, oui. Notre problème aujourd’hui, c’est que nous n’avons pas trouvé de modèle économique qui remplace ce vieux modèle là. Quand on a remplacé le train à charbon par le TGV, tout le monde était gagnant. Mais nous, nous ne sommes pas encore dans ce schéma-là, et quand nous y serons, nous n’aurons pas de scrupules à nous débarrasser du papier. On l’aime bien sûr, le remplir, le toucher, le lire le matin, l’habitude, c’est génial. Mais notre développement passe par d’autres formes de lectures.
En dehors de la transition vers le numérique, remarquez-vous un impact sur le métier de journaliste en lui-même ?
Pas tant sur les journalistes. Nous faisons notre métier, nous avons de plus en plus de supports donc c’est vrai qu’il faut s’adapter. Nous sommes obligés de s’intéresser à tout, mais nous restons un métier d’information. Et ça restera toujours comme ça. En revanche, notre groupe, lui, essaie de se diversifier en faisant autre chose que du journalisme. Nous avons un service qui porte aussi le nom La Dépêche mais qui fait autre chose, notamment de l’évènementiel. Nous organisons et nous sommes co-créateurs par exemple du Rose Festival. Ça n’a rien à voir avec la presse, mais cela nous permet de nous diversifier et de toucher à un public plus jeune, et de se dire « si la presse va mal, peut-être est-ce qu’on peut aller récupérer sur d’autres activités ». Nous faisons aussi de la communication. Mais nous sommes obligés de mettre des murs entre information et communication. C’est capital car si le lecteur n’a plus de crédit à ce qu’il lit et qu’il ne considère plus ce que nous faisons comme de l’information, nous sommes décrédibilisés. Nous sommes une marque suffisamment forte dans la région pour se dire que quelque part, rien ne nous est interdit.
légende photo : Rotatives de La Dépêche du Midi.
G6 Toulouse : Lucie Jodot, Florian Salvat, Lucile Léon, Romain Courrege, Blanche Di Costanzo et Elsa Riviere.